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les amis du néerlandais - vrienden van het Nederlands

A l'école « De Taalkoffer », les petits Wallons ne s'expriment qu'en néerlandais

A l'école « De Taalkoffer », les petits Wallons ne s'expriment qu'en néerlandais

« De Taalkoffer. » Ça se prononce un peu comme ça se tousse, ça a l'air fumeux, c'est du belge. Du flamand s'entend. Traduit littéralement, ça signifie la valise linguistique et c'est le nom d'une école de Comines. Un établissement où les petits Wallons ne s'expriment qu'en néerlandais. Pour le plus grand bonheur de parents qui, généralement, ne parlent qu'une seule langue.

« Op de speelplaats mag je geen frans spreken. » Axel, né à Nantes et âgé de neuf ans, est au tableau. Ce qu'il trace à la craie n'a rien d'anodin. En français dans le texte, ça donne : « Dans la cour de récréation, je ne parle pas français. » Règlement, règlement, jugulaire, jugulaire. À l'école flamande de Comines (B), on ne badine pas avec la langue de Voltaire. L'usage intempestif du français peut être source de punition.

Tom Vandermeulen, le directeur de De Taalkoffer, assume. L'écrasante majorité des 65 enfants scolarisés dans son établissement est francophone. Sa mission à lui (et il l'a acceptée), c'est de fabriquer de parfaits bilingues avec des Wallons et quelques Français. « Pour trouver du travail, on demande des gens bilingues. » C'est que Comines est un peu à la Flandre ce que le village d'Astérix est à l'Armorique : une enclave. Mis à part la France toute proche, les Cominois belges sont cernés. Ils jettent un caillou, c'est en Flandre. Le travail, on va plutôt le chercher du côté d'Ypres et à Ypres, on vous parle flamand. Le français, c'est juste quand vous êtes très, très poli. D'où l'intérêt d'apprendre le flamand dans la seule école néerlandophone de Comines.

Une école qui a eu une histoire mouvementée. Trop symbolique question histoire et géographie pour éviter les calculs politiques. À sa création en 1980, elle est bombardée de tomates par des francophones visiblement agacés de voir s'installer un tout petit bout de Flandre dans leur petit bout de Wallonie. Vingt ans après son chaotique lancement, même si les légumes et les fruits sont plutôt au menu de la cantine que sur la façade, l'école dessine encore une mini-frontière.

Tous les enseignants sont des Flamands. Les parents et les élèves sont des francophones. À 15 h 30, dans le très international ballet de voitures de la sortie des cours, la maman de Louane a un lapsus révélateur. En désignant l'école du pouce, elle lance : « On mange bien chez les Flamands. »

Abîme d'ignorance

Chez les Flamands donc, on apprend aussi à maîtriser le néerlandais. Durant la récréation, l'interdiction de parler français a exceptionnellement été levée, présence d'un journaliste francophone oblige. « Spreek je geen vlaams ? », « Tu ne parles pas flamand ? », s'étonne un bonhomme haut comme trois pommes avant de se marrer devant un tel abîme d'ignorance.

Dans les classes, les cours se font quasiment uniquement en flamand. Tout juste si de temps à autre, un mot français vient à la rescousse des petits francophones les plus largués. Julio, cinq ans, triture nerveusement son pantalon : « Ma maman m'apprend le flamand mais mon papa, il ne parle que français et portugais. À l'école, c'est très dur. Je ne comprends pas ce que dit la maîtresse. » Interrogée à ce sujet, la prof en question, Vanja Vanbecelaere, rassure : « Revenez dans un an et vous verrez comment Julio parle. » Dans quel pays Julio maîtrisera-t-il les deux langues ? Enfants et professeurs sont partagés. Hier, on a appris que la crise politique en Belgique s'est encore amplifiée. Le principal parti flamand, les indépendantistes de la N-VA, a décrété l'échec des négociations menées depuis trois mois sur la formation d'un gouvernement fédéral et demandé de « recommencer à zéro. » « Cette histoire se termine (...) arrêtons de patauger », a déclaré le président de la Nouvelle Alliance flamande, Bart De Wever, à propos des négociations à sept partis néerlandophones et francophones, en cours depuis juillet.

Visiblement, il y a encore de la friture sur la ligne entre les politiques flamands et leurs collègues wallons. Le début de la fin pour la Belgique ? Pas certain. « On a tous de la famille des deux côtés de la frontière linguistique », explique Éveline, Wallonne et à la fois conductrice de bus, cuisinière et femme de ménage de l'école. « Et on a Jacques Brel », ajoute un directeur qui pourrait bien être puni. Parce qu'on ne parle pas français dans la cour de recréation.

Source : La Voix du Nord, 5 octobre 2010.

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