29 Mars 2013
Ce petit résume tout. La "langue du voisin", son apprentissage, son usage et sa connaissance sont au coeur des enjeux transfrontaliers, mais aussi un facteur important du développement économique, social et culturel de la région Nord-Pas-de-Calais.
C'est d'ailleurs ce que rappelle opportunément, à plusieurs reprises le rapport, "Apprendre les langues - Apprendre le monde" rédigé par le Comité Stratégique des Langues du Ministère pour le compte du Ministère de l'Education Nationale de France en janvier 2012. http://media.education.gouv.fr/file/02_Fevrier/91/5/Apprendre-les-langues-Apprendre-le-monde_206915.pdf
Le "tout anglais" ne suffit pas. Les régions maitrisant le multilinguisme auront un avantage compétitif sur le plan économique. Nous allons revenir sur ces principaux enjeux :
Economique-technique et social : accès au marché du travail flamand ou néerlandophone aux francophones, coopérations en matière de recherche et d'innovation entre les deux mondes linguistiques, meilleure compréhension entre des pratiques professionnelles et cultures différentes dans la façon d'appréhender des problèmes entre nos trois régions et bien sûr facilitation de l'exportation.
Sur ce dernier point, il est bon de se rappeler quelques chiffres. En 2011, le Benelux représente le 2ème partenaire commercial en volume de la France juste après l’Allemagne pour les exportations et les importations. La France est après les Pays-Bas (1er) et l’Allemagne (2ème) le 3ème fournisseur de la Belgique.
La France représente aussi le 2ème client de la Belgique après l’Allemagne (1er) et devant les Pays-Bas (3ème). Ils montrent l'importance du Benelux comme partenaire dont 85% environ de la population parle le NL et ses variantes régionales comme langue maternelle. La Flandre et les Pays-Bas sont aussi des pays où le taux de chômage est un des plus faibles en Europe. Enfin ce sont des pays de haut niveau de développement scientifique, technologique et où le système éducatif et universitaire est reconnu de très bon niveau. Connaître une langue comme le néerlandais permet l'accès à la connaissance de certains domaines où les néerlandophones ont des acquis : mobilité urbaine alternative, urbanisme, architecture, lutte contre la submersion marine, écologie, dynamisme entrepreneurial et réseau de PME-PMI...
Encore une fois, rappelons qu'une petite proportion seulement des rapports, publications de toute sorte est traduite en anglais. Décidemment tout miser uniquement sur l'anglais (mal parlé en plus par nombre de francophones est inefficace !
Sur le plan de l’emploi, Philippe Hiligsmann, professeur à l’Université de Louvain-La-Neuve (UCL) enfonce le clou depuis plusieurs années car la situation n'est pas tellement meilleure en Wallonie toute proche :
« Malgré toutes les enquêtes qui montrent donc clairement qu’en Belgique, le néerlandais est un atout indispensable en vue de l’employabilité et malgré le succès croissant de l’enseignement en immersion en Wallonie, le manque de francophones bilingues néerlandais-français sur le marché de l’emploi est criant, que ce soit dans le secteur privé ou dans l’enseignement où la pénurie d’enseignants de néerlandais est de plus en plus préoccupante…
Pour leur part, les jeunes (et leurs parents ?) doivent prendre véritablement conscience du fait que "se donner la peine d’apprendre la langue du voisin - plutôt que de trouver naturel que lui apprenne la nôtre, ô combien supérieure - n’a rien d’un passe-temps minable ou futile : c’est un effort qui honore et enrichit celui qui le consent, et une condition cruciale pour améliorer la compréhension, instaurer la confiance et exprimer le respect" (Philippe Van Parijs, UCL).
Culturel : rapprochement de peuples voisins et redécouverte de racines culturelles et d'un patrimoine commun (architecture, urbanisme, peinture, musique, fêtes, gastronomie...) et d'un apport important en création : littérature, danse, cinéma, peinture, musique...
Politique : Dépassement des frontières au niveau des élus, politiques, associatifs, citoyens qu'ils soient au niveau régional, sub-régional ou communal pour minimiser les barrières d'incompréhension, et travailler à la disparition des multiples frontières administratives, psychologiques et sociales, faciliter la résolution de problèmes transfrontaliers.
Les choix lillois et strasbourgeois à comparer et méditer !
Face aux arguments que nous venons d'énoncer sur les enjeux, il est temps de maintenant de regarder la réalité en face : Eh oui et c'est la où le bas blesse, quand on commence à regarder de près les choix linguistiques des élèves du secondaire de l'agglomération lilloise par rapport à celle de Strasbourg.
C'est ce que révèle une petite étude de l'Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille Métropole de juin 2012 http://www.adu-lille-metropole.org/documentbibliotheque/pdf/1490.pdf
Dans le premier cas (Lille Métropole), 98 % des élèves apprennent l'anglais, 41 % l'espagnol, 15 % l'allemand (c'est mieux que dans un passé récent !) et... un petit 0,5% le néerlandais langue de deux pays voisins.
Dans le deuxième cas, le choix pour l'anglais reste massif (92%), mais vient en deuxième position l'allemand, langue du voisin avec 63% et puis l'espagnol vient en 3ème position avec 17%.
Cette bonne position de la langue du voisin dans le cas de Strasbourg ne vient pas du hasard mais d'un effort conjoint de l'Education Nationale, de la région Alsace, du recteur de l'Académie et des deux conseils généraux avec une traduction sous forme déjà de deux conventions : la première valide pour la période 2000-2006 et la seconde en date pour 2007-2013. http://www-zope.ac-strasbourg.fr/sections/rhin_superieur_europ/les_langues_vivantes/convention_sur_la_po
Comment expliquer la place minuscule du néerlandais au sein de Lille Métropole (0,5 %) malgré sa position frontalière et la place du Benelux dans les échanges commerciaux ? L'auteur de ces notes renvoie la responsabilité aux décisions rectorales et à la faible implication des politiques dans ces choix linguistiques et recommande d'agir autrement : "Si devenir une des grandes métropoles européennes du futur constitue bien un de nos objectifs stratégiques, ceci suppose cependant de proposer des solutions dépassant largement le cadre scolaire"…."Dans ce contexte, l’offre éducative, et en particulier celle des langues vivantes enseignées, peut constituer un élément déterminant de différenciation pour un territoire."
Pour conclure, Il est temps d'avoir un discours de vérité par rapport aux élèves, parents d'élèves ou futurs étudiants.
- Le trio linguistique anglais, allemand, néerlandais a du sens, même si cela évoque moins "le beau temps et le sable chaud" que le duo anglais, espagnol !
- Le choix aussi massif de l'espagnol est irrationnel, absurde ! On ne choisit pas une langue, parce qu'elle est facile ou parce qu'elle a un "goût de vacances" mais par rapport à l'accès souhaité à une culture littéraire, scientifique, technologique ou artistique, à des savoirs d'un futur professionnel souhaité.
Visualiser ici les choix des différents pays européens dans cette étude de la communauté européenne Europeans and their languages, Special Eurobarometer, European Commission, november 2006, en particulier pages 32 et 33.
http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_243_en.pdf
M.E.