13 Février 2014
A Moorslede, une petite commune de Flandre occidentale, le bourgmestre a demandé à ses habitants de ne plus utiliser "le patois(1)" lorsqu’ils appellent les secours.
En novembre dernier, un habitant de Moorslede avait appelé les pompiers à la centrale de Bruges pour une machine à laver qui avait pris feu dans son garage. Or à Bruges, on parle un patois flandrien différent de celui de cette commune. Et l’adresse du sinistre n’a pas été bien comprise. Au lieu d’être envoyés sur les lieux de l’incendie à Moorslede, les pompiers se sont rendus à Moorsele, une commune voisine. Les secours ont finalement mis 35 minutes pour arriver à la bonne adresse où le feu avait déjà été éteint par les habitants, rapporte la RTBF.
Le bourgmestre de Moorslede a mis l’incident à l’ordre du jour et une décision a été prise lors du conseil communal d’hier. Le journal communal va publier un avis à la population : « Parlez un néerlandais correct lorsque vous appelez les secours, s’il vous plait ».
Selon un linguiste de la KU Leuven, cela va être difficile pour les habitants de respecter cette demande, car selon lui, la personne s’accroche à ses repères et aux mots qu’elle connait le mieux lorsqu’elle panique. Ce serait donc les secours qui devraient s’adapter.
Source : Le Vif - L'Express,
Notre propre réflexion par rapport à ce cas qui interpelle :
La Flandre belge n'est pas le seul pays confronté à la cohabitation entre langue standard (officielle) et dialecte ou même encore "tussental".C'est le cas évident de la Suisse, mais aussi de l'Allemagne ou encore de l'Autriche et des Pays-Bas, pour ne citer que les pays de langue germanique.
Par définition, la forme dialectale du néerlandais est attaché à une zone géographique pouvant se limiter à un bourg. Il est légitime par conséquent qu'un pays moderne, qu'une nation impose dans l'enseignement et dans toutes les usages officiels, administratifs et légaux la langue standard, outil de communication sensé être compris sur tout le territoire.
Est à dire qu'il faut abandonner les formes dialectales diverses du néerlandais dans l'enseignement initial ou en formation continue ou encore en recherche linguistique ou historique? Bien évidemment non à condition qu'on n'oublie pas d'apprendre la langue commune aux 23 millions de néerlandophones européens.
C'est en particulier la tache difficile des enseignants de néerlandais de l'enseignement de base ou de la formation continue qui subissent à travers les difficultés de leurs apprenants tles contraintes d'un environnement linguistique dans lequel le néerlandais standard n'est pas assez souvent utilisé. Ainsi les apprenants natifs ou étrangers ont l'impression d'avoir affaire à une palette de variations infinies de parlers néerlandophones : dialectes, tussentaal, langue standard combinés de toute sorte de manière selon les milieux, les circonstances et les lieux.
Comment exiger, en outre, d'un personnel, membre d'une fonction publique fédérale, territoriale ou hospitalière souvent mobile géographiquement,qu'il maîtrise toutes les variétés du flamand (Cf carte des dialectes du néerlandais jointe, ci-après) : celui de Bruges étant différent de celui de Gand, ou d'Hasselt ou encore d'Anvers ? D'autant plus qu'on exige de ces professionnels aussi une certaine maîtrise d'autres langues comme bien évidemment le français, l'anglais et quelquefois aussi l'allemand.
Dans le magazine Knack en date du 29 janvier 2014, un article revient sur une pétition lancée par une mouvement pour l'utilisation du néerlandais standard (AN) (actiegroep Nederlands) http://www.petities24.com/nederlands_vanzelf_sprekend .
Il y est mentionné une certaine propension des médias audiovisuels à utiliser le tussentaal, sauf bien sûr au moment des informations. A tel point qu'au lieu de bénéficier d'une langue commune, néerlandais et belges flamands doivent se faire aider du sous-titrage pour se comprendre mutuellement dans les films passant de l'autre côté de la frontière. L'auteur de l'article conclut, en citant Jurgen Jaspers, linguiste à l'Université Libre de Bruxelles, que l'histoire du néerlandais en Flandre (belge) ressemble à un mauvais "roman policier de gare" est fou de rage contre son époux français tout en tombant amoureux du voisin néerlandophone; il essaie de toutes ses forces de parler un néerlandais le plus correct possible quoique cela ne fasse pas beaucoup avancer les choses. M.E.
(1) En linguistique (et notamment en sociolinguistique), le terme « patois » n'est pas usité par les linguistes qui préfèrent user d'appellations plus précises, car le terme « patois » a pris en France, au fil des siècles, une connotation péjorative (mais non systématique) dans le cadre d'une hiérarchie entre d'une part les langues (sous-entendu dignes d'être nommées ainsi) et d'autre part les « parlers locaux et limités » ne pouvant recevoir la noble appellation de « langue ». Les linguistes préfèrent parler de « langues » et de leurs variétés locales qui sont les « dialectes », les « sous-dialectes » et, à très petite échelle, les « parlers », et d'une manière générale d'idiomes. Néanmoins, il existe des linguistes, souvent spécialisés de dialectologie, qui utilisent le terme « patois » pour désigner un parler local. Ainsi Henriette Walter ne condamne-t-elle pas l'utilisation du terme[1] (Source Wikipedia):
Quelques références :
- "Algemeen Vlaams bestaat niet", Knack, 29 janvier 2014.
- Johan de Caluwe, Nederland en Vlaanderen: (a)symmetrisch pluricentrisme in taal en cultuur, Internationale Neerlandistiek, vol 51, février 2013
- Johan De Caluwe, Dutch in Belgium. Facing multilingualism in a context of regional monolinguism and Standard Language Ideology in Standard Languages and Multilinguism in European History, John Benjamins Publishing, Co.,2012.
- Jan de Troyer, "Tussentaal" ou ABN ?, La Libre Belgique, 6 septembre 2012.
- We spreken allemaal wel eens tussentaal, De Standaard, 30 août 2012.
- Manifest voor het Nederlands in België, Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal-en Letterkunde, 2011.