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les amis du néerlandais - vrienden van het Nederlands

"Tussentaal" ou ABN ?

"Tussentaal" ou ABN ?

Les profs et les instituteurs flamands pourront-ils bientôt donner cours dans un néerlandais qu’on pourrait qualifier de compromis entre le néerlandais officiel, l’ABN (Algemeen Beschaafd Nederlands), et le langage populaire régional ? En Flandre, la rentrée scolaire a été marquée par un vif débat sur le "tussentaal" (le langage intermédiaire).

Certains préfèrent parler de "verkavelingsvlaams" (le flamand de parcellisation), un terme inventé par l’écrivain Geert Van Istendael et repris dans le "dikke Van Dale", le dictionnaire officiel de la langue néerlandaise.

Trois linguistes de l’université d’Anvers viennent de publier un livre qui contient un plaidoyer pour la tolérance du néerlandais intermédiaire dans les classes. Kevin Absillis, Jürgen Jaspers et Sarah Van Hoof constatent que le néerlandais intermédiaire est omniprésent en Flandre, non seulement dans les séries populaires à la télévision, mais partout dans la vie quotidienne et professionnelle, même derrière les guichets des services communaux, et donc aussi dans l’enseignement. "C’est le langage informel des conversations quotidiennes de la grande majorité des Flamands."

Quand on regarde la réalité en face, il faut admettre qu’en Flandre, l’usage strict de l’ABN semble effectivement réduit aux milieux officiels comme l’hémicycle du Parlement flamand et aux journaux parlés ou télévisés. Pourtant, dans sa note politique, le ministre de l’Enseignement Pascal Smet prétend que la connaissance du néerlandais officiel est une condition sine qua non pour pouvoir vivre et travailler en Flandre. On y pose donc aux nouveaux venus des exigences qui ne sont pas remplies par la majorité des Flamands. Beaucoup d’entre eux diront "Wat is da ?" au lieu de "Wat is dat ?" (Qu’est-ce que c’est ?). Et ceci n’est qu’un exemple des centaines de cas du laisser-aller linguistique.

Connaissant la politique linguistique de la Flandre, on comprend que le sujet soit sensible et controversé. On comprend aussi les soucis de pas mal de responsables de l’enseignement, qui constatent qu’au sein des familles immigrées, les enfants n’utilisent pas le néerlandais et sont, à cause de cela, fortement handicapés dans leur formation scolaire. Pour certains, c’est un désavantage qui génère frustration et sentiment d’infériorité et qui freine le développement normal de ces enfants. En admettant le néerlandais "de la rue", on faciliterait l’intégration de ces enfants dans le contexte scolaire, ce qui leur permettrait d’obtenir de meilleurs résultats. Toutefois, on peut aussi supposer que cette approche va éternellement handicaper ces enfants dans leur ascension sociale, parce qu’ils n’apprendront jamais un néerlandais correct.

S’il ne faut pas stigmatiser les gens qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue de Vondel, il ne faut pas non plus tomber dans l’abandon du principe d’une langue standardisée. Le laisser-aller ne va d’ailleurs pas mener à un seul néerlandais dit "intermédiaire". Il y en aura une version anversoise, une limbourgeoise, une gantoise, etc. En plus, on ne peut pas écrire le néerlandais intermédiaire : les exemples dans les journaux flamands des derniers jours avaient un aspect tragi-comique. Geert Van Istendael a même écrit une lettre ouverte dans sa version personnelle du "verkavelingsvlaams". Le résultat est hilarant.

Tout ce débat mène à une question à laquelle personne ne connaît la réponse : comment expliquer l’incohérence des Flamands qui - après 200 années de lutte linguistique - s’expriment toujours dans un néerlandais approximatif et revendiquent en même temps que les autres apprennent leur langue ?

Jan DE TROYER

Chroniqueur

Source : La Libre Belgique / Chronique Vue de Flandre

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